Document. Réussir sa mort avec les soins palliatifs – Suite et fin

Mise en ligne de La rédaction, le 22 mars 2018.

par François Primeau

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 56/FÉVRIER-AVRIL 2018]

 Greuze-La piété filiale (1763)

Greuze-La piété filiale (1763)

L’auteur est professeur titulaire de clinique au Département de psychiatrie et neurosciences de l’Université Laval, gérontopsychiatre et membre du Comité d’éthique de la recherche au CISSS Chaudière-Appalaches, site Hôtel-Dieu de Lévis, où il est également représentant du Comité d’indépendance intellectuelle. De plus, il siège à la Table nationale en santé mentale du MSSS Québec à titre de représentant du RUIS-Laval. La première partie de cet essai est parue dans le numéro 55 d’Égards.

Réflexion anthropologique, sens de la mort et transhumanisme
La réflexion sur l’éthique des soins palliatifs a glissé progressivement sur le plan anthropologique qu’elle ne saurait négliger, sous peine d’être superficielle et incomplète. Louis-Vincent Thomas, anthropologue et ethnologue français, a particulièrement réfléchi sur le domaine connu grâce à lui aujourd’hui sous le nom de thanatologie, c’est-à-dire le regroupement de tous les savoirs théologiques, philosophiques et scientifiques relatifs à la mort.

Dans son ouvrage Anthropologie de la mort, Thomas souligne que le passage du déplacement au déni de la mort est paradigmatique des sociétés où l’on croit que la toute-puissance de la technique permet de maîtriser la mort comme la vie; contrairement aux sociétés africaines qui semblent avoir résolu l’angoisse face à la mort, les sociétés occidentales échouent lamentablement devant ce «problème», «le passage du déplacement au déni a contraint l’Occidental à troquer le symbolique contre un imaginaire infiniment plus pauvre et moins opératoire […]. En outre, la désocialisation (de la communauté à la famille pour aboutir à l’isolement individuel, dans la désacralité: “chacun pour soi et Dieu pour personne”) interdit désormais la prise en charge de l’angoisse par le groupe dans son intégralité […], la désocialisation, la désacralisation, l’insertion dans un double circuit positif (savoir-pouvoir) et économique ne cachent peut-être qu’une seule chose: une peur accrue de la mort […]. Le déni de la mort, son inavouabilité mutilante, empêchent la libre manifestation d’une angoisse qui, pour être refoulée, n’en est pas moins réelle. […] ce déni collectif se trouve récupéré par une société réductrice, homogénéisante donc mortifère». La difficulté pour les soins palliatifs de s’imposer dans une société qui nie de plus en plus la mort, et l’aide médicale à mourir (AMM) qui «tue» la mort, sont des symptômes de ce déni collectif mortifère et de l’aveuglement de notre société face à la mort.
(…)

Écrire un commentaire

You must be logged in to post a comment.