À la pointe du calame. Fragments autobiographiques
Mise en ligne de La rédaction, le 27 novembre 2019.
par M.F.J.
[EXTRAITS DU NUMÉRO 60/NOVEMBRE 2019-JANVIER 2020]
Décès du père
Le 21 septembre 1960, il y avait grève à la Dominion Bridge de Lachine. Mon père, engagé au salaire minimum depuis la perte de son emploi au Canadian Pacific Railways, venait de faire du piquetage toute la nuit en carburant au café et à la cigarette. De retour à la maison, il aurait dû déjeuner; mais un malaise inhabituel l’amena plutôt à gagner le lit sans manger. Ma mère donna donc le bain au dernier-né d’à peine deux mois.
Au bout de quelques minutes, alors que ma mère était toujours en train de procéder à la toilette du bébé, mon père l’appela en lui disant: «Call the priest». À quoi ma mère rétorqua qu’elle allait appeler le médecin. Et mon père de lui réitérer: «Call the priest». Étonnée, ma mère appela donc le prêtre et le médecin.
Il s’avère que le curé de l’humble église irlandaise Holy Family, qui avait baptisé le petit dernier, arriva le premier et, muni de sa trousse viatique, procéda aux derniers sacrements. En sortant de la chambre, il dit simplement : «Everything’s O.K. now», pendant que ma mère le reconduisait à la porte.
Revenue dans la chambre afin de s’informer comment ça allait… Elle eut tout juste le temps d’entendre mon père lui confier : «I’m happy! » Et, sur ce, il perdit conscience et sombra dans le coma avant même l’arrivée du médecin.
Mon frère aîné accompagna notre père dans l’ambulance. À l’hôpital, on tenta de le ranimer; en vain. Doté d’une Foi d’Irlandais à la manière d’un enfant, il avait bénéficié de la grâce d’être averti que sa dernière heure était venue et il est parti heureux à cinquante-deux ans, quoiqu’il en paraissait soixante-dix.
(…)
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