Document. De l’alliance et d’Abraham dans l’islam

Mise en ligne de La rédaction, le 22 octobre 2020.

par Dominique et Marie-Thérèse Urvoy

[EXTRAITS DU NUMÉRO 61/AUTOMNE 2020-HIVER 2021]

Abraham et Isaac par Rembrandt

Abraham et Isaac par Rembrandt

I. De quelle alliance parle-t-on?
Le thème de l’alliance est fondamental dans la bible hébraïque puisqu’elle désigne Israël comme peuple élu. Dieu s’engage gratuitement comme partenaire avec lui, tout en restant Seigneur de l’Alliance, contrat qu’aucune des deux parties ne peut dénoncer. Cette alliance conclue avec Moïse est conçue comme la suite des alliances conclues avec Noé et surtout avec Abraham.

Le Nouveau Testament parle de la Nouvelle Alliance, fondée non plus sur le sang des animaux traditionnellement sacrifiés lors de la conclusion d’alliances, mais sur le sang du Christ. L’Épître aux Hébreux reconnaît l’Ancienne Alliance tout en décrivant cette Nouvelle Alliance entre Dieu et l’humanité rachetée.

Peut-on dire que l’islam se situerait dans le prolongement de cette histoire du salut, puisque le Coran emploie à plusieurs reprises les termes mīṯāq et ‘ahd, traduits le plus souvent par alliance? En fait la question est obscurcie de deux façons: d’une part sur le plan du vocabulaire, et d’autre part sur le plan théologique par une querelle d’intentions.

La question de vocabulaire tient à ce que le Coran utilise le mot mīṯāq pour désigner deux choses très différentes: d’un côté des pactes entre humains (alliance tribale, mariage), de l’autre les engagements que Dieu a pris au cours de l’histoire. Sur le modèle des récits de la Genèse, mais en les prolongeant dans le temps, le Coran énumère les engagements que Dieu a «pris des» juifs, des prophètes, de «ceux qui ont reçu l’Écriture» et donc des chrétiens, ainsi que des «croyants» (c’est-à-dire les musulmans).
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