L’œil écoute. Chronique d’un naufrage: To Rome with Love de Woody Allen
Mise en ligne de La rédaction, le 17 novembre 2013.
par François Lebeau
[ EXTRAITS DU NUMÉRO 41 / AUTOMNE 2013 ]
Le nom de cette nouvelle chronique consacrée au cinéma reprend le titre d’un beau recueil de Paul Claudel publié en 1946 dans lequel le vieux poète réunit ses principaux essais sur la peinture. L’oxymore évoque une certaine qualité d’attention, un regard muet, aux aguets, qui, loin de se contenter d’un art saccagé par la facilité et le narcissisme, attend des images en mouvement quelque révélation sur les choses, le monde, l’humain et (pourquoi pas?) l’ineffable.
Il y a chez le cinéphile de ces moments de grâce où son regard, empli d’une amitié pure et calme, s’attarde encore sur ce qui n’est plus, sur l’écran, l’image disparue. Et quand il quitte les lieux, il a soin de laisser une chose : des remerciements.
Il en est d’autres, hélas…
La projection de To Rome with Love, de Woody Allen, s’acheva. Stazione Termini. Générique de fin, interminable. La salle, peu à peu, s’éclaira, dévoilant le sombre profil de mon voisin et ami, Claude G. Pendant la séance, à cette comédie, il n’avait accordé aucun rire. Lui avait-il même prêté un sourire? Qu’avions-nous partagé, pensé-je, sinon cette muette patience du prisonnier ou du pêcheur à la ligne, oublieux du droit inaltérable, du privilège imprescriptible de tout spectateur, la liberté de s’en aller.
Nous sortîmes, nous avions hâte de fuir le royaume des ombres, de respirer l’air du large avec nos yeux, nos oreilles, et tout le vaste monde autour de nous. C’était Montréal sous juillet, un de ces après-midi vibrants où les trottoirs exsudent à l’appel du soleil.
(…)
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