Autopsie de l’abbé Pierre

Mise en ligne de La rédaction, le 20 avril 2011.

par Matthieu Lenoir

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 31 / PRINTEMPS 2011 ]

Il est honoré par les saintes officines de sondage du titre de personnage préféré des Français, à égalité avec le tennisman tiers-mondiste, anti-sarkozyste et immigrationniste Yannick Noah. Il est propulsé « troisième Français le plus important après de Gaulle et Marie Curie » par la télévision d’État. Il est élevé au rang de figurine pour timbres d’usage courant par la très maçonnique administration des postes de la République. Il est cité à tour de bras par la médiacratie post-soixante-huitarde comme référence sociothéologique dès qu’une compagnie d’agitateurs s’empare de la détresse de sans-logis exigeant un appartement dans la ville la plus chère du pays sans avoir de travail. En France, Henri Grouès, l’abbé Pierre, trône au Parnasse tricolore comme la gondole de Venise sur la commode.

Le concert d’éloges qui s’est élevé à l’occasion de son décès, le 22 janvier 2007, a permis à l’appareil laïciste de mesurer l’importance de disposer d’un solide allié dans la place adverse. Il n’est pas exclu que ce capucin, entré dans les ordres à l’âge de dix-neuf ans sous le nom de frère Philippe, ne suive au Panthéon l’abbé Henri Grégoire, le mentor de son grand ami l’évêque in partibus d’ultragauche Jacques Gaillot. Henri Grégoire, corédacteur de la constitution civile du clergé et fameux extrémiste de la gauche de l’Assemblée nationale en 1789, participa activement à l’éradication des langues régionales et édicta que « les rois sont dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre naturel ». Il est l’un des grands inspirateurs du vaste mouvement gallicano-nihiliste qui a marqué les deux derniers siècles de l’Église de France, et dont l’abbé Pierre n’est qu’un avatar récent.

Comme chez Grégoire ou Gaillot, on trouve chez l’abbé Grouès-Philippe-Pierre ce délicat mélange de charité chrétienne muée en sentimentalisme geignard, de compassion renversée en ressentiment, de manichéisme sociopolitique, de relativisme doctrinal et de narcissisme libertaire qui fait de ces religieux les complices de toutes les déchristianisations modernistes.

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