Égards

par Richard Bastien et Alistair K. Thomson

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 44 / ÉTÉ 2014 ]

Voici l’essentiel d’un échange entre un chrétien et un athée qui s’est déroulé sur plusieurs années. Les deux interlocuteurs se connaissent depuis plus de quarante ans et, malgré leurs profondes divergences de vues, maintiennent des rapports cordiaux fondés sur leur vif intérêt pour la philosophie et une commune prédilection pour la pizza et la bière.

I

Cher chrétien,

Je n’arriverai jamais à comprendre comment une personne ration¬nelle peut croire en Dieu. Certes, nombreux sont ceux qui trouvent un certain confort dans la foi. Mais cela ne saurait aucunement justifier de croire que Dieu existe. Les erreurs de diagnostic peuvent également réconforter.

Les croyances religieuses proviennent de l’ignorance, de la peur, de la superstition, de l’anthropomorphisme, de la propension à prendre ses rêves pour la réalité, de la solitude, de l’endoctrinement à un âge précoce et de la fausse hypothèse selon laquelle il ne saurait y avoir de valeurs sans Dieu.

Aucune des «preuves» de l’existence de Dieu n’est convaincante. Même Thomas d’Aquin admet que, dans le meilleur des cas, ces preuves ne servent qu’à consolider la foi de celui qui croit déjà en Dieu. Elles n’ont qu’une seule utilité: illustrer des erreurs de raisonnement pour les étudiants en première année de philosophie.

N’oublions pas la vieille question: pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? Je ne peux y répondre, mais vous non plus. Prétendre que la réponse est «Dieu», parce que Dieu serait l’explication ultime de tout, est ridicule. Un concept qui prétend tout expliquer est vide de sens parce qu’il est compatible avec tous les états possibles du réel; il ne permet pas d’expliquer pourquoi «ceci» plutôt que «cela». La «volonté de Dieu» n’est pas une explication.
(…)