Égards

par Matthieu Lenoir

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 50/MARS-MAI 2016 ]

Cheval de Troie (Tiepolo)

Vendredi 13 novembre. La semaine s’achève à Paris dans une ambiance d’été des Indiens. Le mois est inhabituellement doux. Les terrasses sont sorties et, au cœur de la soirée, pleines. À 21h25 rue Alibert dans le Xe arrondissement jadis populaire devenu bourgeois-bohème, une Seat surgit devant deux terrasses, accompagnée de rafales de kalachnikov: 15 morts. Le même équipage arrose 7 minutes plus tard deux terrasses rue de la Fontaine-au-Roi: 4 morts. Puis rue de Charonne dans le XIe arrondissement: 19 morts. À 21h40 un terroriste se fait exploser devant le Comptoir Voltaire, boulevard Voltaire. Plus de 400 coups de feu auront été tirés en vingt minutes aux cris d’«Allah Akbar» et 116 étuis de kalachnikov seront retrouvés.

À cette heure précise un autre commando de trois terroristes islamistes arrivé en Volkswagen noire surgit dans l’enceinte de la salle de spectacles Le Bataclan (XIe) où 1500 personnes écoutent le groupe californien Eagles of Death Metal qui poursuit sa tournée après Tel-Aviv et entame un morceau intitulé Kiss the Devil. Les vigiles sont abattus froidement puis le massacre commence aux mêmes cris d’«Allah Akbar». Des spectateurs fuient par les sorties de secours, d’autres se terrent dans des locaux fermés que les tueurs tentent de forcer. Les assaillants placent des otages devant portes et fenêtres pour se protéger. La tuerie méthodique accompagnée d’une prise d’otages de masse dure trois heures et vingt minutes, l’assaut des forces de l’ordre s’achevant à 1h00. Quatre-vingt-neuf morts sont dénombrés et plus de cent blessés, grièvement pour la plupart, après ce massacre en milieu fermé comparable par sa méthode au crime de masse sur civils commis par la division Das Reich en juin 1944 à Oradour-sur-Glane (642 morts). Aucun commentateur autorisé n’osera, bien sûr, le parallèle.
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