Notes de Lecture. Laurent Dandrieu, La compagnie des anges. Petite vie de Fra Angelico
Mise en ligne de La rédaction, le 4 avril 2016.
Laurent Dandrieu, La compagnie des anges. Petite vie de Fra Angelico, Paris, Cerf, 2014
par Benoît Miller
[ EXTRAITS DU NUMÉRO 50/MARS-MAI 2016 ]
[…] l’auteur n’entend pas ambitionner l’interprétation critique: cela n’assure que l’accessoire. C’est à peine s’il évoque les mouvements artistiques de l’art florentin au Quattrocento: la perspective découverte par Brunelleschi, les sculptures inédites de Ghiberti, de Donatello, de Nanni de Banco, l’influence charnière de Giotto. Seul le moine Lorenzo Monaco mérite une plus grande attention: il a contribué à l’apprentissage du jeune Guido dans son atelier «d’enluminure et de peinture sur bois». (p. 26) Quant aux débats philosophiques et politiques qui remuent l’époque, rien n’est dit: la défense de l’État laïc, la dépréciation occamiste de l’ordre théologique (thomiste) du savoir, l’influence théorique, et nettement néo-platonicienne, d’Alberti dans l’univers artistique. D’autre part, en mirant le caractère religieux et contemplatif de Fra Angelico, il évite, ce nous semble, de relativiser le talent du peintre, telles l’école romantique qui fit de son pinceau un instrument miraculeux (Wackenroder, XVIIIe siècle; Montalembert, XIXe siècle) et l’actuelle science herméneutique de l’art qui ne fait aucun cas de sa foi. Ce n’est pas la vie fictive ou isolée qui dévoile l’esthétique d’une œuvre, mais l’existence concrète de l’artiste, ses choix ontologiquement enracinés. La thèse équilibrée de Laurent Dandrieu rejoint en quelque sorte celle de Vasari, souvent cité: «Il était si proche du Christ et des saints qu’il pouvait les peindre tels qu’il les percevait en vivant avec eux.» Et surtout la conviction même de l’artiste: «Fra Angelico […] professait qu’on ne pouvait pas peindre le Christ sans vivre à l’imitation du Christ» (p. 48).
Fra Angelico était dominicain. Fra Angelico se nourrissait d’une vie monacale de stricte observance. Fra Angelico était un disciple de saint Thomas d’Aquin. Voilà celui que présente Laurent Dandrieu. Il nous le fait apparaître comme nanti d’une force humble et tranquille devant l’ébullition du monde, les divisions internes de sa communauté, les déménagements incessants. Son portrait n’est pas celui d’un résistant, d’un combattant, mais d’un amoureux que rien de périssable ne peut arrêter. La grâce du saint n’est-elle pas de vivre au rythme ardent du Cantique des cantiques? Là est le terreau duquel naît la beauté de son œuvre.
(…)
Écrire un commentaire
You must be logged in to post a comment.