In memoriam–Benoît Lacroix (1915-2016): L’ami de la piété (texte intégral)
Mise en ligne de La rédaction, le 4 avril 2016.
par Patrick Dionne
[ EXTRAITS DU NUMÉRO 50/MARS-MAI 2016 ]
«Rien ne remplace rien», affirmait le philosophe Gustave Thibon. Je prolongerai son raisonnement et dirai que personne ne remplace personne. C’est vrai sur cette terre, et c’est vrai dans les cieux. Benoît Lacroix, ce moine au cœur immense et doux, d’une simplicité presque originelle, dont le battement évoquait les premières lueurs qui illuminèrent le monde, aura habité son siècle en prières, en actes, en paroles. Et maintenant, il s’en est retourné dans sa patrie, pour parler comme Léon Bloy, qui est le silence. L’homme qui fut la mémoire vivante du Canada français et, avec d’autres, de la civilisation occidentale, a rejoint son cher Dominique de Guzman et sa chère Thérèse de Lisieux, ses amis, ses proches, son Dieu, au Banquet des bienheureux. Le père Lacroix, qui m’avouait «aimer les hommes plus que les idées», était au fond un contre-intellectuel, un paysan accablé de titres et de distinctions (les souvenirs qu’il prenait le plus de plaisir à me raconter étaient ceux de la ferme, de sa jeunesse), un apôtre de la contemplation, de la charité, de la prudence, de la lenteur et du… rire. «Toi et moi, nous ne sommes pas de vrais intellectuels», me lança-t-il une fois, à ma grande joie. Il aura donné, je crois, tout ce qu’il pouvait donner, n’ayant jamais su comment refuser quelque chose à quelqu’un. On ne s’élève qu’en se dépouillant. Benoît Lacroix s’était donné au Christ et c’est par Lui, avec Lui et en Lui qu’il accueillait son prochain. S’il vous honorait de sa confiance, c’était sans retour. Un anti-lâcheur absolu! Se figure-t-on ce qu’il faut de force, d’altitude spirituelle et d’incarnation pour entendre, des décennies durant, les confessions d’intimes et d’étrangers, plusieurs heures par jour, sans vaciller? Cela allait de soi à ses yeux: «Si les prêtres faisaient ce qu’ils avaient à faire, me confiait-il, les psychologues seraient au chômage.» Une de ses dernières paroles, rapportée par un frère dominicain, juste avant sa nuit, témoigne de sa profondeur et de sa lucidité: «Priez pour le peuple.» Voilà ce que cet ami de la piété aura fait toute sa vie, en secret, et qu’il continuera de faire, de la contrée céleste, dans la pleine Lumière du Ressuscité.
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