Les procédés de compromis dans l’ordre social islamique
Mise en ligne de La rédaction, le 16 août 2016.
par Marie-Thérèse Urvoy
[ EXTRAITS DU NUMÉRO 51/JUIN-SEPTEMBRE 2016 ]
Dans son histoire l’islam s’est caractérisé par son rapport obsessionnel au pouvoir. Cela s’explique sans doute par le lien constitutif entre le religieux et le politique assumé dès son émergence; bien plus, la prédication monothéiste du prophète Muhammad s’est réalisée au gré des événements de sa vie tant privée que politique. Deux notions à valeur juridique illustrent parfaitement ce rapport intime du musulman au pouvoir et à la gouvernance : la ruse juridique (hîla) et la dissimulation légale (taqiyya), toutes deux présentes dans le Coran. Les jurisconsultes (faqîh, pluriel fuqahâ’) développeront l’une et l’autre dans des traités d’une méticuleuse casuistique. Ils reflètent le souci permanent de l’islam d’alléger le poids de la loi pour le musulman afin de le conserver dans le giron du pouvoir islamique qui lui garantit protection et défense à vie.
La ruse juridique (hîla)
Hiyal, pluriel de hîla, est rendu dans le Lisân al-‘Arab par: «ruse, artifice, expédient, stratagème, moyen d’échapper à quelque chose ou de réaliser un dessein». Et il précise: «Ce terme est employé dans diverses acceptions techniques».
Les «ruses juridiques», qui font partie intégrante du Droit islamique tel qu’il est appliqué, peuvent être définies comme des moyens légaux employés à des fins extralégales, fins qui ne peuvent – qu’elles soient légales ou illégales – être atteintes directement avec les moyens fournis par la seule charia. Elles permettent à des personnes qui n’auraient d’autre choix que d’agir à l’encontre des dispositions de la loi chariatique de parvenir au résultat désiré, tout en se conformant en apparence à la lettre de cette loi.
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