Notes de lecture. Ambroise de Milan, La fuite du siècle

Mise en ligne de La rédaction, le 16 août 2016.

Ambroise de Milan, La fuite du siècle, introduction, texte critique, traduction et notes par Camille Gerzaguet, Paris, Cerf, 2015, coll. « Sources chrétiennes » no 576.

par Benoît Miller

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 51/JUIN-SEPTEMBRE 2016 ]

Saint Ambroise

Sans recours au commentateur, une vague d’étrangeté nous gagne. Ainsi que le note Gérard Nauroy, cité dans l’introduction patristique, la «perplexité» du lecteur quant au style littéraire d’Ambroise de Milan semble commune:

«La plupart des traités d’Ambroise […], pour peu qu’ils ne soient pas des commentaires méthodiques d’un livre de l’Écriture – et, parfois, même dans ce cas –, laissent, après une première lecture, le sentiment d’ouvrages composites, à la démarche diffuse et déconcertante, aux intentions disparates, à la terminologie incertaine, où la suite des idées, rarement explicite, semble dépendre du discours lui-même, du rapprochement fortuit de deux mots, de deux images, de deux citations scripturaires plutôt qu’obéir à un propos préétabli et ordonné selon des articulations apparentes.»

De grands liseurs ont dit de lui qu’il ne fut qu’un «ennuyeux Cicéron chrétien» (Huysmans), même un «plagiaire malhabile» (Schenkl) reprenant un ouvrage de Philon d’Alexandrie. Et que ses textes n’ont rien d’une qualité recherchée. Ces jugements ne sont pas ceux de Camille Gerzaguet qui, comme bien d’autres, prend acte d’une nouvelle écoute échappant à la logique linéaire et par trop exclusive qui est la nôtre: «Au-delà de la première impression qui est celle du désordre et de la juxtaposition des idées, il existerait […] une trame cachée de l’œuvre, qui ne se dévoile qu’au prix d’une patiente attention portée aux sources et d’une minutieuse recherche des procédés rhétoriques». Voilà le point de départ d’une compréhension pertinente, pour ne pas dire honnête, de La fuite du siècle

Ordre et sens du texte
Il y a un rythme ambrosien qui emporte aux chimères la «maladresse» et le «jeu sans règles» déjà rapportés. Même une lecture superficielle de l’ouvrage flaire d’une manière limpide le ressassement d’un appel criant à fuir, d’une terminologie de l’exil qui tisse la gravité de l’urgence et de l’empressement: «Fugiamus»! Mais une lecture consolidée par le travail de Gerzaguet met à nu ce que d’aucuns traitaient de «lambeaux» en une «composition symphonique» de sept mouvements. À l’instar de la musique qui encense les cathédrales où parfois quelques insensés osent encore s’agenouiller, La fuite du siècle est un accord de sens que soutient l’écho des mots, des thèmes et des figures bibliques. Un accord qui chante l’agônia du chrétien dans le monde qui bruit de ses forces obscures.
(…)

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