Égards

Philippe Barthelet, dir., Gustave Thibon , Lausanne, L’Âge d’Homme, 2012, coll. «Les Dossiers H».

par André Désilets

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 53/FÉVRIER-AVRIL 2017]

Gustave Thibon

Tout indique que notre époque tumultueuse semble destinée au règne de l’insignifiance et du bruit, là où l’on beugle comme des forcenés «Au diable Victor Hugo!» et «À quoi bon les vieilleries?» qui traînent dans l’histoire depuis des millénaires. Manifestement, le «Rusé», qui pour Martin Luther est «celui qui fronce le nez, ironise et se moque», continue son œuvre caustique, mensongère et destructrice. Mais la civilisation ne serait-elle «qu’une mince pellicule au-dessus d’un chaos brûlant», comme le croyait Frédéric Nietzsche?

Je fais donc piètre figure avec mes sempiternels exercices d’admiration qui, en passant, n’ont rien pour plaire aux suiveurs de la mode, ceux qui se contentent de fictions et d’artifices pour exister. Mon intérêt est d’une autre nature. À mes yeux, il n’y a pas de commune mesure entre Gustave Thibon par exemple et ces irrémédiables incultes pour lesquels «le blasphème contre l’Esprit» n’éveille aucun écho. C’est dire que je suis particulièrement sensible au mystère de la parole, au pouvoir évocateur des livres, à l’influence de l’écriture sur les esprits et les âmes. Une chose est certaine: les événements contemporains ne m’apprennent rien sur l’homme qui ne se trouve chez les poètes, les philosophes et les historiens du passé. À ce chapitre, le philosophe de Saint-Marcel d’Ardèche déclare, dès la première page de son avant-propos à L’Ignorance étoilée (Paris, Fayard, 1974), qu’il a souvent regretté de ne pas avoir montré dans ses écrits, «à l’aide de rigoureuses synopses, combien les mêmes intuitions fondamentales se retrouvent, dans des termes et sous des éclairements différents, chez les saints, les sages et les poètes de tous les temps».
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