Notes actuelles et inactuelles pour une résistance conservatrice

Mise en ligne de La rédaction, le 27 mars 2017.

par Jean Renaud

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 53/FÉVRIER-AVRIL 2017]

II. Le monde humain, avec ses cascades d’événements tragiques, de doctrines contradictoires, de passions antinomiques, paraît absurde ou confus, comme un rêve éveillé, une hallucination racontée par un fou et rédigée par un ivrogne. Mais sous la confusion apparente de ce monde, le croyant discerne un sens, une «justesse cachée, comme l’enseigne Bossuet, que nous ne pouvons jamais remarquer qu’en le regardant par un certain point que la foi en Jésus-Christ nous découvre».

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V. Pourquoi cette France d’ancien régime hérissée de libertés, évoquée par Bernanos, Maurras, Funck-Brentano, Montalembert, ne basculait-elle pas dans l’anarchie? «La monarchie, c’est l’anarchie plus un». Le mot attribué à tort à Maurras, n’est peut-être pas beaucoup plus qu’une boutade, mais qui suggère une idée juste: il faut quelqu’un, quelque chose, «axiome, religion, ou prince des hommes», scandait Barrès, pour freiner les libertés afin qu’elles restent fécondes et ne se dévorent pas elles-mêmes.

VI. L’ordre familial trouve dans le régime monarchique «un abri à sa ressemblance», comme dit Léon Daudet. Ils se protègent mutuellement et se perdent ensemble.

VII. Un pouvoir faible est acculé au despotisme, s’il veut se défendre contre l’anarchie. Un régime sans autorité est contraint d’être autoritaire.

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XVIII. Les préjugés doivent certainement être corrigés par la raison. Cela ne signifie nullement qu’il faille les supprimer. Qu’est-ce qu’un préjugé à la fin ? C’est une espèce de conviction irréfléchie qui vient de l’expérience, de notre éducation, ou d’informations invérifiées, reçues de confiance, qu’elles soient fausses, déformées, ou même vraies – car c’est un préjugé de soutenir que tous les préjugés sont faux. Les revisiter, comme disent les Anglo-Saxons, ce n’est pas les rejeter, mais mieux les comprendre, tenter de voir, de juger, de discerner ce qu’ils portent en eux de sagesse ou de folie, distinguer leur lien avec la réalité, avec la nature des choses, avec ce qui est. Rejeter a priori tous nos préjugés, ce n’est pas seulement s’appauvrir, c’est perdre la raison, qui se retrouve en face d’elle-même, sans rien pour la retenir, déboussolée, impitoyable, incontrôlable. L’intelligence occidentale paye un prix élevé pour son angélisme : l’appauvrissement, l’affadissement et le règne sans appel de cette bêtise demi-savante, prodigue en mornes utopies remplies de formulaires et de loisirs organisés qui ne satisfont plus que des laquais et des maniaques.

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XXV. Il ne suffit pas de dire que la raison qui se prend pour fin cherche la domination. Elle va plus loin : elle vise la destruction de tout ce qui n’est pas elle.

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XXXI. La basse et pontifiante mysticité du langage de Trudeau, d’Obama, de Couillard, instaure un paradis imaginaire, qui dessèche et démoralise. L’enfer, c’est de se croire au paradis, avait discerné finement Simone Weil.

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XXXIII. Le programme d’Obama, de Trudeau, de Couillard parodie la tranquillité de l’ordre : un salut de l’apparence, une parousie de la surface, un avachissement dans la perversion, une rédemption de l’aberrant. Imaginez un monde qui aurait vaincu le racisme, la haine, la guerre, les préjugés, une humanité composée de dépravés et de zombies, les uns consommant frénétiquement sur le Web des images propres à nourrir leurs obsessions (le voyeurisme comme utopie et comme messe noire), les autres assouvissant leurs besoins naturels d’affection par les contrefaçons offertes par la robotique ou le virtuel.

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XXXVI. Quitterons-nous le bien falsifié (Obama et Trudeau) au profit du seul bien propre (Trump)? Celui-ci porte un poids de réalité absent du bien falsifié, ce dernier ayant quelque chose de scolaire, de fantomatique, d’irréel, d’étouffant. Comparez-lui la représentation de mon terrain, ma maison, mon argent, ma famille, mon emploi, mes enfants ! Ces biens singuliers, personnels, individuels nous touchent intimement et directement. Chaque personne normalement constituée n’hésitera jamais à se battre pour les défendre. Renoncer aux biens imaginaires pour se limiter à ces réalités concrètes et individuelles constitue, si l’on veut, un retour à la santé, mais ce sera celle du barbare pillard et conquérant, pourvu d’une force qui se distinguera peu de la férocité, et délivré de cette mince toile sur l’abîme appelée civilisation.

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XXXIX. Nous sommes devant deux formes de barbarie : une nature décérébrée et une pensée dénaturée, hors de ses gonds. La modernité est dissociation. L’esprit se sépare de l’instinct, la pensée de la vie. Toute civilisation (sauf celles qui n’en sont pas) consiste en une réconciliation fragile de ces puissances de l’âme, trop souvent désaccordées.

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XLVI. Le bien tronqué trompe moins le peuple que l’élite. L’attachement aux choses concrètes de l’homme de condition modeste le sauve d’un certain genre d’illusions.

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