Égards

Vladimir Soloviev, Lettres du dimanche , préface de Bernard Marchadier, traduit du russe par Claire Vajou, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, 2016.

par André Désilets

[ EXTRAITS DU NUMÉRO 54/JUIN-AOÛT 2017]

Vladimir Soloviev

Si Alain Besançon présente une approche particulièrement critique de la Russie, il reconnaît quand même que le maître de la plupart des représentants de la «philosophie religieuse russe», qui s’installèrent à Paris dans les années vingt, était Vladimir Soloviev, «un grand philosophe et un grand théologien», écrit-il, que l’on peut comparer à certains égards à John Henry Newman.

Certes, Vladimir Soloviev figure parmi les penseurs les plus universels et les plus profonds de la Russie. Le lien organique entre son expérience, sa réflexion philosophique et la théologie inaugure le style même de la pensée religieuse russe, un style passionné, intuitif, marqué par l’héritage des Pères grecs, orienté vers l’ultime, c’est-à-dire un style qui pose tout problème à la lumière de la Fin, du sens intégral de l’existence, de l’eschaton apocalyptique. L’esprit de pèlerin caractérise l’œuvre de Soloviev. Il n’a jamais été question pour lui d’agir en «littéraliste livresque et sans entrailles». Au contraire, la vraie philosophie, selon lui, jaillit dans les profondeurs du cœur, dans ses espaces libres, dès que Dieu et l’homme s’y rencontrent. Aussi soulève-t-elle la seule question vitale pour le destin de l’homme: «Qui est le fils de l’homme, au dire des hommes? » ou «Et vous, qui dites-vous que je suis? » demande le Nazaréen (Mt XVI, 13-15; Mc VIII, 27-29; Lc IX, 18-20). Pour Soloviev, la réponse à cette question annonce la lutte finale dont parle Dieu lui-même: «Voici, j’ai mis devant toi la vie et la mort, choisis donc…» (Dt XXX, 15, 19). Avertir les hommes de ce choix ultime constitue la tâche pédagogique du philosophe dans l’histoire. Et pour ce faire, notre auteur réaffirme sans cesse le thème central de ses réflexions: l’avènement de la Personne vivante du Dieu-Homme, le Christ.
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