Dantec et l’ange exterminateur, première partie
Mise en ligne de La rédaction, le 11 décembre 2018.
par Patrick Dionne
[ EXTRAITS DU NUMÉRO 58/NOVEMBRE 2018-JANVIER 2019]
Levant les yeux, David vit l’ange de Yahvé qui se tenait
entre terre et ciel, l’épée dégainée à la main, tendue vers Jérusalem.
Premier Livre des Chroniques
They’re selling postcards of the hanging
They’re painting the passports brown
The beauty parlor is filled with sailors
The circus is in town
Here comes the blind commissioner
They’ve got him in a trance
One hand is tied to the tight-rope walker
The other is in his pants
And the riot squad they’re restless
They need somewhere to go
As Lady and I look out tonight
From Desolation Row
Bob Dylan
FOUTRIQUET MONTE SUR LE BANC
(…) Un an plus tard, Hubert Artus publiait Maurice G. Dantec, prodiges & outrances aux Éditions Séguier. J’ai rarement vu un livre aussi laid, et il m’en défile des centaines sous les yeux chaque jour. La grisaille de la couverture (une photographie floue de l’écrivain) et le vert «fond de couche» qui baigne la maquette suggèrent une collaboration entre un graphiste astigmate et un imprimeur daltonien. «L’œil n’écoute plus!» rugirait Claudel. En d’autres circonstances, j’aurais trouvé quelque utilité à ce livre, support de fenêtre à guillotine ou écrase-moustique, selon le besoin. Mais par amitié pour Dantec – je prends très au sérieux l’adjuration de Blind Lemon Jefferson: «Lord, it’s one kind favor I’ll ask of you/See that my grave is kept clean» –, j’ouvris cette vilaine copie.
La réclame promet une «biographie» de Maurice G. Dantec. Au bout de trois pages, il m’apparut clairement que ce n’en était pas une. Je me servis un calvados. Au bout de dix pages, je me suis mis à soupirer. Au bout de douze pages, les râlements ont commencé. Au bout des trois cent trente-six pages de cette pénible farce, j’étais complètement dégoûté (et en déficit d’une bouteille de Boulard X.O.). Évidemment, Séguier, l’«Éditeur de curiosités» (p. 7), ne pouvait écouler sa camelote sous la rubrique «pantalonnade». Sur la suggestion de deux ou trois génies du marketing, le patron Jean Le Gall opta pour «biographie». Merveilleux monde de l’édition! Il reste que ce portrait réglementaire d’une «figure controversée» a été mis en marché pour satisfaire la France des commissaires, des reluqueurs, des semi-lettrés, des immortels anxieux, des pseudo-artistes, des tape-clavier et de ceux qui «rêvent d’avoir été infirmiers psychiatriques dans une institution soviétique de la grande époque», tels que les décrivait l’auteur de Cosmos Incorporated. Le laideron est donc aussi une catin. Si les «curiosités» se monnayent mieux que les vérités, qu’y peut-on?
(…)
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