L’économie québécoise : entre droite réformiste et gauche réactionnaire
Mise en ligne de La rédaction, le 3 novembre 2011.
par Richard Bastien
[ EXTRAITS DU NUMÉRO 33 / AUTOMNE 2011 ]
L’effondrement du Bloc Québécois, l’éclatement du Parti Québécois, le lent dépérissement du Parti libéral, le regain de vie de l’Action démocratique du Québec et l’émergence récente de la Coalition pour l’avenir du Québec de François Legault sont généralement interprétés par les médias comme des phénomènes strictement politiques. En réalité, ces changements sont dictés par des transformations économiques, sociales et technologiques qui dépassent les frontières du Québec. Je pense principalement à la disparition progressive du modèle socioéconomique de l’après-guerre et à son remplacement par un modèle plus fluide, plus souple et plus dynamique, soutenu par la révolution technologique des vingt dernières années, ainsi qu’à la diminution de la population active (les personnes de 15 à 64 ans), consécutive au vieillissement de l’ensemble de la population. La situation économique et sociale du Québec dans les prochaines décennies sera en grande partie tributaire de sa capacité à réagir à ces données fondamentales.
L’émergence de la nouvelle économie
Les paramètres du vieux modèle socioéconomique sont bien connus. Cols blancs et cols bleus y détiennent des emplois réguliers, des fonctionnaires administrent les rouages d’un appareil étatique sans cesse croissant, l’ensemble de la population voit son niveau de vie augmenter ou se maintenir, les écarts entre les classes sociales varient très peu et la durée du temps de travail diminue par suite de l’augmentation du nombre de congés et de la modification à la baisse de l’âge de la retraite. Dans cet univers, un diplôme d’études secondaires garantit habituellement un emploi modeste et la satisfaction des besoins de base, un diplôme collégial un niveau de vie moyen et une retraite décente. Quant à la formation universitaire, elle est le gage d’une carrière professionnelle et d’un niveau de vie supérieur à la moyenne.
Les principaux agents de ce modèle sont les grandes entreprises, les syndicats et l’État providence, qui ont convenu d’un modus vivendi assurant une répartition assez régulière des gains économiques et sociaux. Grâce à l’activisme syndical, les travailleurs obtiennent des emplois sûrs et des conditions de travail de plus en plus avantageuses. Le gouvernement peut tabler sur des rentrées fiscales stables. Les entreprises, de leur côté, sont assurées de la croissance soutenue de leur chiffre d’affaires et de leurs bénéfices grâce à la hausse généralisée du niveau de vie.
Malgré ses avantages, ce modèle comporte des faiblesses considérables. Par exemple, les grandes entreprises de production et de services étaient peu enclines à l’innovation technologique, d’autant plus qu’elles bénéficiaient d’une protection contre la concurrence internationale. Dans certains cas, comme la téléphonie et le transport aérien, le gouvernement réglementait pour accorder à certaines entreprises la quasi-exclusivité du marché intérieur.
Ce modèle a commencé à s’effriter au cours des années 1970 sous la pression de la « nouvelle économie », caractérisée par l’introduction des technologies de l’information, par une plus grande concurrence internationale et par la mondialisation économique (c’est-à-dire l’accroissement des mouvements internationaux de biens et services, de capitaux et de main-d’œuvre). Ces réalités ont pris de plus en plus d’importance au cours des trente dernières années, à tel point que le vieux modèle socioéconomique est moribond.
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