Défectuosité
Mise en ligne de La rédaction, le 16 décembre 2021.
[EXTRAITS DU NUMÉRO 63/AUTOMNE 2021-HIVER 2022]
PAR MAX THORN
Il n’y a pas de rédemption pour les êtres de ton espèce, songea Porter en apercevant l’enseigne électrique à travers le rideau de pluie, de vent et de ténèbres. Ce qui vient du néant retourne au néant, se répéta-t-il. Et il accéléra.
La Pontiac Grand Prix s’engouffra dans l’allée déserte. Des colonnes d’eau s’abattaient sur les toits, le béton, les carcasses de voiture, les amas de détritus. Le vent hurlait des insanités. Les ombres se tordaient dans des convulsions frénétiques. Les digues du ciel ont cédé, se dit Porter en forçant encore le moteur. Il voulait en finir cette nuit. Il évita de justesse un morceau de ferraille que la tempête avait projeté sur la chaussée. Une rafale percuta l’aile droite arrière de la Pontiac, et la fit dévier de sa course une fraction de seconde. Il approchait du carrefour. Devant lui, seul survivant de sa race sur deux cents mètres, un lampadaire vacillait, menaçant de se briser. Il donna un coup de volant à gauche, se positionna au milieu de la rue. L’essuie-glace du côté passager l’avait lâché au premier signe d’effort. Les freins se montraient plus capricieux d’heure en heure. Le réservoir d’huile fuyait. Une routière de rêve. La pluie, soudain complaisante, cessa de gifler le pare-brise, lui permettant de lire le débris d’enseigne :
Élect n q e
R parat
Électronique, Réparation. C’était ici. Il était ici.
L’édifice devait avoir trois cents ans. Ses pierres burinées, ses arcs en lancette et ses gargouilles hallucinées en imposaient aux laideurs fonctionnalistes qui l’assiégeaient. (…)