Notes de lecture. Michel Viot, De Luther à Benoît XVI.
Mise en ligne de La rédaction, le 21 janvier 2012.
Michel Viot, De Luther à Benoît XVI. Itinéraire d’un ancien franc-maçon, entretiens recueillis par Charles-Henri d’Andigné, Paris, Éditions de L’Homme Nouveau, 2011
Par Matthieu Lenoir
Il est des vies qui sont de véritables voyages dans le monde des idées. Celle de Michel Viot, successivement pasteur, franc-maçon et prêtre catholique, démontre que le « sentiment conservateur », cette tension de l’être vers la continuité et l’approfondissement – à l’opposé de la rupture et du ressentiment – naît où l’Esprit le souhaite mais prospère en l’Église catholique.
L’une des signatures les plus éblouissantes de la puissance divine réside dans ces entrelacs paradoxaux de l’histoire humaine. Fils d’un père instituteur « franc-maçon et catholique non pratiquant », le jeune Michel Viot choisit le luthéranisme pour accomplir sa vocation première, dans la confession d’Augsbourg. Il fut consacré le 5 mai 1968, au seuil de la pseudo-révolution qui marqua le début du règne nihiliste de la petite bourgeoisie intellectuelle sur la France.
D’entrée, il privilégie la forme protestante la plus traditionnelle, avec sa liturgie « qui était presque la messe catholique à l’ancienne ». Elle était la plus à même de converger avec l’Église de Rome au moment où cette dernière paraissait répudier son héritage liturgique. Michel Viot livre des pages saisissantes sur le renversement des rôles en cette fiévreuse époque de l’après-concile, entre une partie du protestantisme et le catholicisme. Il relève que le protestantisme d’État scandinave célébrait sous une forme beaucoup plus proche de la messe de Saint-Nicolas du Chardonnet pendant que les « assemblées dominicales » catholiques versaient dans le plus consternant des boy-scoutismes.
Inspecteur ecclésiastique (évêque) aux Billettes, paroisse luthérienne conservatrice de Paris, Michel Viot est aussi entré en franc-maçonnerie. Comme on hérite d’une charge familiale, sur le conseil de son père. Il souligne qu’il s’y est résolu à l’issue de sa formation théologique, en posant comme priorité sa fidélité à l’Église sur le serment maçonnique, ce qu’auraient accepté ses « initiateurs ». Il justifie cette « initiation » par sa passion pour le « symbolisme » et précise qu’elle s’est opérée dans une obédience théiste, la Grande Loge de France (GLF). Il affirme, sans trop convaincre, avoir alors ignoré l’existence des deux autres grandes familles maçonniques, le très antichrétien et dominant Grand Orient de France et la supposée conservatrice Grande Loge Nationale Française (GLNF).
Sans nul doute, cette double affiliation au protestantisme prédicant et au maçonnisme raisonneur aura marqué, à son corps défendant, le discours et les choix sémantiques de Michel Viot jusqu’à aujourd’hui. Son message, depuis qu’il est entré en catholicisme en 2001 accompagné par Mgr Daniel Pézeril et le R.P. Michel Riquet, est étonnamment orthodoxe, puissamment catholique, mais conserve ce goût pour la forme et l’argumentaire dialectiques qu’on affectionne dans les cercles fermés et mondains de la bourgeoisie. Au vu de son parcours, on ne peine pas à l’en pardonner.
Car entre-temps Michel Viot a tâtonné, passant de la GLF à la GLNF. Cette dernière obédience, fondée par des chrétiens, est la seule des loges françaises réputée « régulière » aux yeux de la maçonnerie anglo-saxonne, généralement chrétienne, avec son rite écossais rectifié auquel appartint un temps le grand Savoyard Joseph de Maistre, une des influences de l’auteur. Michel Viot y fonda même une loge et travailla tout particulièrement sur les rapports maçonnico-chrétiens. Selon lui, la rupture entre l’Église et la maçonnerie proviendrait d’une ambiguïté dans l’interprétation de la référence à « cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord » consignée dans l’une des deux versions des constitutions d’Anderson. Mais la place de la vérité Une du message christique est-elle susceptible d’interprétation ? Ces textes, d’ailleurs, sont les actes fondateurs de la maçonnerie spéculative, ce cadre idéologique de l’hétérodoxie moderniste.
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